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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Comment le cinéma est devenu un art en France (3/4)/ 1951-1959, la politique des auteurs fait du réalisateur un artiste

Julien Vercel

Les nouveaux critiques de cinéma qui prennent la direction de la revue Les Cahiers du cinéma fondée en 1951, s’évertuent à ne jamais considérer le cinéma comme un métier, ni comme une technique, à ne jamais en faire une aventure collective, mais, au contraire, à toujours privilégier celui qui « voit » sur ceux qui « exécutent » (Darré Yvan, « Le Cinéma, l’art contre le travail », Mouvements 2003/3, n°27-28). Jean-Luc Godard n’hésite pas à écrire : « Le cinéma ce n’est pas un métier. C’est un art. Ce n’est pas une équipe. On est toujours seul ; sur le plateau comme devant la ‘page blanche’ » (Les Cahiers du cinéma, n°85, juillet 1958). Et suivant les règles de l’art, sont mises en valeur la subversion des formes, l’inspiration et l’expression de l’individu -ici le réalisateur qui ne trouve qu’en lui-même la justification de son « œuvre ». Le réalisateur se transforme ainsi en artiste complet et il est bien le seul héros de son film.

La distinction entre scénariste et réalisateur disparaît au profit de ce dernier qui devient omnipotent et omniscient. « Jusqu’alors les acteurs étaient au service de l’histoire. Désormais, c’est l’inverse qui est vrai » raconte le critique Pierre Murat (« Ils ont changé la règle du jeu », Télérama, n°3545-3546, 20 décembre 2017). Lors d’une table-ronde intitulée « Six personnages en quête d’auteurs : débat sur le cinéma français » en 1957, Pierre Kast ironise : « Les scénaristes se justifiaient quand il existait des metteurs en scène du type mécanicien. Il fallait bien quelqu’un pour écrire l’histoire puisqu’eux n’étaient capables que de faire la mise en scène, c’est-à-dire en somme rien (rires) » (Les Cahiers du cinéma, n°71, mai 1957).

Quand François Truffaut s’acharnait contre le cinéma de « qualité française », sa critique portait déjà « essentiellement [contre] des films de scénaristes » (« Une certaine tendance du cinéma français », Les Cahiers du cinéma, n°31, janvier 1954). Et quand ils opposait les mauvais réalisateurs (Claude Autant-Lara, Jean Delannoy, René Clément, Yves Allégret...) aux bons réalisateurs (Jean Renoir, Robert Bresson, Jean Cocteau, Jacques Tati...), il reconnaissait, chez les seconds, des hommes de cinéma et des metteurs en scène, non plus des scénaristes et des littérateurs : « Ce sont des auteurs qui écrivent souvent leur dialogue et quelques uns inventent eux-mêmes les histoires qu’ils mettent en scène » (Ibid.).

À suivre

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