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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Les débats au temps du Covid-19 : le confinement, avec ou sans classe (sociale)

Il paraît que plus rien ne sera comme avant. D’ores et déjà la crise sanitaire sans précédent que nous vivons bouleverse nos repères, nos vies et nos façons de penser. Le blog de Critica Masonica entreprend une série d’articles relevant quelques questions soulevées par le Covid-19, les questions qui ressortent, celles qui sont formulées différemment et celles qui apparaissent.

 

George Curtis

L’une de mes fiertés, lors de ce confinement, c’est de n’être sorti qu’une dizaine de fois en 55 jours. J’ai limité mes déplacements au strict minimum, remplaçant autant que faire se peut la marche habituelle par des exercices de gymnastique à l’intérieur de mon appartement. J’ai suivi les consignes, ce qui était d’autant plus simple que, d’une part, je comprenais leur logique et que, d’autre part, je vis dans un appartement que j’ai choisi, qui est plutôt grand et lumineux et dans lequel je suis bien installé.

Je pense avoir fait de mon mieux : « si tu ne peux pas aider, autant ne pas encombrer le passage », voilà ce que je me suis dit au début du confinement. J’ai fait ce que j’ai pu, dans mes conditions, pour participer à ce grand plan commun : lutter contre la propagation de la Covid-19 (Pour une fois que l’Académie française précise qu’il faut employer le féminin... certes pour une épidémie).

J’ai été assidu dans mes applaudissements le soir aux fenêtres, ajoutant dans mes pensées tous ces travailleurs qui eux ne peuvent pas se confiner, toutes ces personnes qui sont mes concitoyens, les habitants du même pays que moi, mais pour qui ces consignes n’ont aucun sens, aucune logique, aucune réalité.

Tout est là : le 16 mars dernier, le Président de la République a annoncé un confinement pour tous, demandant à chacun de limiter ses déplacements au strict nécessaire. Mais voilà, dans notre pays, comme dans tous ceux qui se répartissent les territoires émergés de notre planète, il y a des conditions et des classes sociales différentes : populaire/ouvrière, moyenne, supérieure. Avec tout ce que cela recouvre de nuances et volonté ou de capacité à appliquer des consignes nationales et uniformes.

Lors de ces presque deux mois de confinement, il y eut plus de troubles en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France ou dans les quartiers dits « populaires » ; « prioritaires » ou « politique de la ville » que dans les quartiers « résidentiels » ou « pavillonnaires » qui abritent les Françaises et les Français de classe moyenne. Il y eut davantage de contraventions, mais aussi de violences policières avec usage de tasers ou de matraques.

Ce même département dont sont issues les personnes qui occupent les emplois les plus précaires, que ce soit dans les sociétés de services avec les agents de ménage et de sécurité, dans la grande distribution avec les caissiers, les manutentionnaires, les chauffeurs de poids lourds et les vigiles, ou même à l’hôpital avec les aides-soignantes, les femmes de ménage et tous les nombreux métiers inconnus mais essentiels pour faire fonctionner les hôpitaux.

Ce même département où il y eut une surmortalité exceptionnelle, car, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le territoire a connu une surmortalité très élevée, +63 %, entre l’avant-dernière et la dernière semaine de mars, liée à la fragilité de la population, dont 27% se situe sous le niveau de pauvreté mais aussi au manque de moyens dans le système médical et d’accès aux soins pour les habitants. Le département ne comptait que 54,8 médecins généralistes pour 100 000 habitants, contre 70,8 en moyenne pour l'Ile-de-France.

Le confinement a aussi concerné, dans toutes les villes de France, des personnes qui n’ont pas de logement, même exigu ou insalubre, si tant est que cela puisse être un quelconque soulagement : les sans-abris, les sans-papiers, les nomades. Avec l’interdiction de circuler, avec la fermeture des hôtels, des lieux de vies, certaines personnes se sont retrouvées piégées. Et les inégalités qui étaient déjà criantes ont explosé à la vue de tous. Qui n’a pas vu les files de plusieurs centaines de mètres pour les banques alimentaires ? Qui sait où sont les femmes, les hommes et les enfants qui continuent d’arriver sur des embarcations de fortune à travers la Méditerranée ?

La sortie de cette période de confinement ne signifiera pas la fin de cette crise sanitaire qui durera sans doute encore des mois, voire deux années selon certaines études. Les consignes des gouvernements montrent bien que ceux d’entre nous qui ont appris à télé-travailler lors de ces deux derniers mois vont continuer à le faire, de même que ceux qui doivent aller travailler sur site vont tout autant continuer à le faire. La classe sociale influe évidemment sur les effets de ce confinement : est-on confiné ou pas, l’est-on dans un logement exigu, à combien, avec quels revenus garantis ?

Avec la fin du confinement, se posent de nombreuses questions sur ce que notre société veut ou ne veut pas pour son avenir. Alors que l’on a hébergé des centaines de personnes, prolongé la trêve hivernale, que l’État assure 80% des salaires de 12 millions de salariés, pourra-t-on renvoyer à la rue toutes ces personnes « mises à l’abri » pour protéger en réalité ceux qui ont un toit ? Sera-t-il acceptable que des quartiers jugés soi-disant « prioritaires » depuis des décennies portent encore autant de pauvreté, pour des personnes qui sont pourtant indispensables au fonctionnement, même minimaliste, de notre société ?

 

Alors, classe ou pas classe, le confinement ?

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