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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Miguel Serrano, un diplomate entre pensée völkisch et lunatic fringe/ Une hyperborée ésotérique (3/4)

Stéphane François

L’idée hyperboréenne de Serrano est la conséquence d’une interprétation erronée/biaisée d’un concept évolo-guénonien. René Guénon considérait que l’origine de la « Tradition primordiale » était hyperboréenne, mais chez lui cette théorie était dépourvue de racisme,  l'auteur n’hésitant pas à qualifier le mythe de l’origine aryenne des civilisations, d’« illusion classique ». Guénon était persuadé que la tradition hyperboréenne était la plus ancienne de l’humanité et qu’elle avait rayonné sur les différentes civilisations à partir du Pôle. En ce sens, la « Tradition primordiale » guénonienne n’est ni occidentale, ni orientale; mais polaire au sens géographique, car venant du pôle Nord.

De fait, Hyperborée, dont le nom signifie le « pays au-delà du Vent du Nord », est un continent mythique qui aurait existé au niveau du cercle circumpolaire arctique. Dans la mythologie grecque, le terme « hyperboréen » renvoyait à un peuple, lui aussi mythique, vivant aux confins septentrionaux du monde connu. L’Hyperborée peut être assimilée à la non moins mythique Thulé, mais reste distinct de l’Atlantide, bien que certains auteurs les confondent, la première étant plus ancienne que la seconde. À une époque antédiluvienne, qui peut être comme vu comme le mythique « Âge d’or », voire comme le jardin d’Éden, elle aurait été habitée par un peuple parfait, les Hyperboréens, et aurait bénéficié, lors d’un hypothétique Âge d’or, d’un climat propice avant le changement climatique, la glaciation, du à l’inclinaison ultérieure de la Terre.

Serrano reprend aussi selon Joscelyn Godwin les thèses développée par un militant nationaliste Indien, Bâl Gangâdhar Tilak, qui affirmait l’origine circumpolaire des Aryas. Les thèses de Tilak furent assez logiquement contestées par les spécialistes des études indo-européennes. Mais elles n’en représentent pas moins « le point culminant d’une très ancienne tradition d’analyse d’un mythe indo-aryen » (MALLORY James Patrick, À la recherche des Indo-Européens. Langue, archéologie, mythe, Seuil, 1997). L’idée guénonienne sera radicalisée par Evola. Celui-ci, reprit donc l’idée que le foyer originel depuis lequel a rayonné la « Tradition primordiale » se serait situé à proximité du pôle Nord. Toutefois, Evola en fit une interprétation différente, plus raciologique et nordiciste. Ce peuple primordial serait les Hyperboréens. L’idée évolo-guénonienne de « tradition hyperboréenne » a été reprise par certains militants d’extrême droite hétérodoxe, dont Serrano. Ces auteurs ainsi que Serrano, reprennent la très ancienne tradition d’analyse de poèmes des différents peuples indo-européens antiques ayant pour thèmes ou faisant allusion à un foyer septentrional où les jours et les nuits dureraient six mois, où l’étoile Polaire se lèveraient au zénith, etc. mettant ainsi en évidence un motif mythologique prouvant l’existence d’un foyer indo-européen originel, situé au niveau circumpolaire. Cependant, la référence au « Nord » est avant tout un mythème qui s’analyse en fonction du symbolisme cosmique des anciens européens (SERGENT Bernard, « Penser – et mal penser – les Indo-Européens », Annales ESC, nº 37, juin-août 1982 ).

Serrano, influencé par son gourou chilien et par ses propres visions, est persuadé que Hitler est en vie après s’être réfugié dans une base secrète nazie sous l’Antarctique, préparée de longue date par les nazis. Selon Serrano Hitler quitta Berlin en 1945 pour l’Antarctique à bord d’une soucoupe volante, invention de la « science nazie », une technologie aryenne en avance sur le reste de l’humanité car d’essence divine. En effet, les nazis auraient trouvé en 1938-1939 en Antarctique, selon Serrano, un lieu rappelant l’Islande, qu’ils auraient revendiqué et appelé Neuschwabenland (Nouvelle Souabe), lors d’une expédition dans la Terre de la reine Maud, terre appartenant à la Norvège. Ils auraient aussi trouvé l’une des entrées vers la Terre creuse, amenant vers les bases secrètes souterraines des Hyperboréens. Serrano pensait que le centre spirituel hyperboréen serait passé de l’arctique à l’antarctique, lors du renversement des pôles, à l’origine de la disparition d’Hyperborée. Pour asseoir son propos, Serrano synthétise mythologies et données géologiques.

Dans la cosmogonie de Serrano, Hitler est un rédempteur et une figure archétypale. Il reprend l’idée jungienne que « Hitler était possédé par l’inconscient collectif de l’âme aryenne ». Le salut par l’« hitlérisme ésotérique » doit amener la divinisation de l’homme, c’est-à-dire de l’Aryen, dans un monde redevenu paradisiaque. Serrano considère Hitler comme un avatar, un intermédiaire entre les dieux et les hommes, voire comme un Bodhisattva, un être divin. D’ailleurs, Serrano développe parfois l’idée de l’existence d’une dimension parallèle dans laquelle Hitler se serait réfugié. Selon lui, Hitler serait le dixième avatar de Vishnu, Kalki, qui doit mettre fin au Kali Yuga (l’« Âge de fer », le Dernier Âge, celui du déclin, de la tradition cyclique hindouiste) et inaugurer un Nouvel Âge. En effet, Hitler, réfugié au Pôle Sud, mènerait une guerre « ésotérique », la guerre « exotérique » ayant été perdue par les forces de l’Axe, contre les troupes du Kali Yuga, les Juifs, afin de ramener l’Âge d’Or.

De fait, Miguel Serrano est une personne foncièrement pessimiste quant au futur de l’humanité. Selon lui, le monde moderne, fasciné par les Juifs et leur Démiurge, est au bord du gouffre. En outre, la dégénérescence raciale avancée, le consumérisme effréné, qui correspond au Kali Yuga, va emmener l’humanité vers un déclin inexorable. Sur ce point, Serrano est influencé partiellement par les thèses évoliennes. Il est aussi influencé par les thèses nazies sur la dégénérescence raciale de l’humanité, due au métissage.

Dans les années 1980, Serrano va être en contact avec ce que nous pouvons appeler des « Lunatic Fringes ». Cette expression péjorative a été créée pour désigner les mouvements politiques ou sociaux qui développent des idées excentriques et peu rationnelles. Serrano va en effet entretenir des relations épistolaires avec les néonazis américains comme George Lincoln Rockwell, le fondateur de l’American Nazi Parti (« Parti nazi américain ») et de la World Union of National-Socialists (« Union mondiale des nationaux-socialistes ») avec Colin Jordan (responsable du National-Socialist Movement, « Mouvement national-socialiste »), ainsi qu’avec son successeur, Matt Koehl, le fondateur du New Order (« Nouvel ordre »), organisation qui succédera à l’American Nazi Parti.

À suivre : « Les Postérités de Miguel Serrano »

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G
Vraiment cinglé ce Serrano, mais bis repetita après d'autres, utile à connaître et attendant d'identifier ses descendants.
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