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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

À propos des « Étranges symboles des cathédrales, basiliques et églises de la France médiévale » de Christian Montésinos

 

 

Alfred Naymaque

Les édifices religieux s’imposent naturellement à notre regard lorsque nous les croisons. Parmi ces bâtiments, les cathédrales sont une représentation extraordinaire du savoir-faire de l’homme. Au-delà de nos croyances, l’émerveillement ressenti devant la richesse des sculptures et la beauté de l’édifice est universel est intemporel. Les cathédrales sont aussi des lieux mystérieux dont les nombreux symboles sont parfois difficiles à décrypter. Savons-nous à quoi ils correspondent ? Ne nous sommes-nous jamais interrogés sur la signification d’une statue, d’une arche, d’un portail ?

Dans cet ouvrage, Christian Montésinos, écrivain et historien français, décrit avec une rigueur remarquable les « étranges symboles » qui ornent les édifices religieux de la France médiévale.

Dans un premier temps, Il tient à rappeler les fondements de l’Église chrétienne, ses sources, ses inspirations qui vont bien au-delà de la naissance du culte. Saviez-vous ainsi que la langue liturgique fut d’abord le grec ? Le latin arriva seulement au IIIe siècle après Jésus-Christ, et il était loin d’être compris par tout le monde.

Rappelons aussi que les cathédrales ont failli disparaitre avec l’anticléricalisme révolutionnaire. Cette disparition aurait constitué une grande perte historique, et l’auteur explique pourquoi.

Fait surprenant, les cathédrales empruntent énormément au monde antique et notamment à l’Égypte. Les sarcophages chrétiens de certaines basiliques comportant même des hiéroglyphes. Ainsi, il est avéré que ces édifices religieux n’ont pas poussé de terre en même temps que la religion chrétienne s’étendait, mais se sont transformés comme lieux de cultes au fil des siècles et des croyances. Des fouilles témoignent que de nombreux lieux de croyances antérieures ont été réutilisées, soit comme base d’un nouveau bâtiment, soit comme matériel de construction pour un lieu de culte chrétien. Ainsi bon nombre de cathédrales en France sont-elles des vestiges de sanctuaires d’autres adorations – mithraïste, celte, animiste etc. L’auteur recense des lieux religieux, qui, ayant fait l’objet de rénovations, ont permis la découverte de vestiges venus d’ailleurs. Cela nous interroge beaucoup sur l’origine de la religion chrétienne. Les cathédrales ne sont pas non plus uniquement gothiques, comme nous le pensons, mais peuvent aussi être romanes.

Autre point d’intérêt de l’époque, la pratique médiévale religieuse n’est pas aussi assidue que l’on pourrait s’y attendre. Le peuple ne s’y rend que pour les sacrements de la vie – le baptême étant donné bien plus tardivement qu’aujourd’hui.

Une fois l’histoire des cathédrales explorée, l’auteur passe en revue et explique l’origine de bon nombre de leurs symboles : les oiseaux, les atlantes, les marmousets, les gargouilles mais aussi les mystères entourant les parvis et les flèches.

L’emprunt à l’astrologie (les zodiaques romans), au monde animal, au paganisme et au païen nous laisse à penser que les bâtisseurs jouissaient non seulement d’une grande liberté de mouvement mais aussi d’expression et que l’église n’était pas regardante sur la signification de ces objets. On sera surpris de découvrir un énorme zodiaque animal sur le parvis de la cathédrale de Reims, zodiaque entouré d’autres animaux mythologiques sans lien direct avec la chrétienté. N’oubliant pas leurs commanditaires, les bâtisseurs ornent toutefois de vertus chrétiennes à travers des scènes emblématiques de la Bible les lieux les plus visibles de ces bâtiments. Les constructeurs et bâtisseurs de cathédrale ont réussi leur pari : occuper notre attention sur ces symboles mystérieux et inconnus.

Le livre s’intéresse alors au lien et aux relations qui existent entre les maçons d’hier et d’aujourd’hui – entendez par là entre franc-maçonnerie opérative et spéculative. Nous approchons là un sujet délicat pour la franc-maçonnerie d’aujourd’hui. Une certaine forme de rejet du déisme n’est-il point antinomique avec l’histoire de la maçonnerie opérative ? En effet dans les cathédrales, tout est en rapport avec le divin. Les cathédrales sont des lieux de passage destinés à sublimer l’image de dieu sur terre à force de symboles et d’emblèmes. Dès lors, quand les francs-maçons s’approprient les allégories de ces bâtiments, ils s’en approprient aussi la part de divinité.

L’auteur désacralise certains mythes : il semblerait que la maçonnerie spéculative ait interprété des décors, statues et objets de cathédrales de manière partisane, sans que ces derniers aient une autre signification que celle de la religion. Il parle de « constante chrétienne de l’iconographie ».

Penchons-nous sur la statue de la synagogue de la cathédrale de Strasbourg par exemple, qui montre une femme les yeux bandés, la tête courbée, bâton à la main droite et dans l’autre main ce qui semble être un testament maçonnique. Cette statue qui n’est en fait qu’une allégorie de la justice nouvelle et aveugle a cependant été considérée comme un symbole maçonnique… Les pieds de la statue formant une équerre, on est tenté d’aller chercher le symbolisme là où il ne se trouve pas.

En revanche, sur le portail Nord semble se trouver un exemplaire formidable donné par les maçons libres de Strasbourg. Les rois-mages sont représentés via le trio de l’apprenti, du compagnon et du maitre. Les trois ont les pieds à l’équerre, et découvrent un genou tel que lors des cérémonies d’initiation. Le compagnon tourne son regard vers le Nord et l’apprenti porte une ceinture en corde. Il porte la coupe des libations ou la coupe de l’amertume. Étant représenté sous les traits d’un homme noir, il est supposé qu’il est encore dans l’obscurité. Il porte une médaille en forme d’hexagramme. Les sculpteurs ont délibérément mélangé différents symboles maçonniques dans ces trois personnages.

Autre sujet de confusion : le placement d’insignes clairement identifiables à la franc-maçonnerie (tels que les compas, équerres et niveaux) sur des bâtiments n’était en fait que le produit des clercs et non des maçons. Là où le symbolisme n’est pas, l’ésotérisme n’est pas loin et avec lui des interprétations qui s’éloignent de la réalité historique pour se rapprocher du fantaisiste qui ne dessert pas la franc-maçonnerie.

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J
C'était prometteur : "il semblerait que la maçonnerie spéculative ait interprété des décors, statues et objets de cathédrales de manière partisane, sans que ces derniers aient une autre signification que celle de la religion." Puis, c'est brusquement devenu la caricature de ce que l'auteur est supposé dénoncer : il faut vraiment être un spéculatif obsédé pour voir dans les Rois Mages de Strasbourg le trio apprenti, compagnon, maître ! <br /> Quant au dernier paragraphe, je me demande bien ce qu'il entend signifier… Salmigondis maçonnique ?
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