Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Lucien Bonaparte. Le prince républicain » de Cédric Lewandowski

Julien Vercel

Il y a  au moins deux modes de lecture pour apprécier la biographie que Cédric Lewandowski consacre à Lucien Bonaparte (éditions Passés-composés, 2019).

Le premier est historique et se décline avec le plaisir de la découverte de ce frère de Napoléon, « républicain de conviction, prince de circonstance », amoureux des arts et de quelques femmes, et qui embrassa plusieurs vies professionnelles, parlementaire, ministérielle, diplomatique, littéraire et savante. Ces multiples épisodes sont racontés de façon précise, documentée et vivante. On découvre la personnalité et les actions de celui qui « souhaitait plus que tout maîtriser son destin et ne laissait à personne, fût-il empereur, le soin de lui dicter sa conduite ». C’est ainsi que « Lucien semble avoir brusqué l’histoire, avant d’en être évincé ».

Engagé dans la Révolution, celui qui se faisait appeler « Brutus Bonaparte » fait très vite preuve d’éloquence pour emporter la conviction des assemblées auxquelles il appartient. En 1798, il est élu au Conseil des Cinq cents en utilisant l’acte de naissance de son frère aîné Joseph, car Lucien n’a que 23 ans or il en fallait 25 pour être élu ! Cela ne l’empêche pas de devenir président de ce Conseil l’année suivante et, ainsi, de sauver le coup d’État du 18 Brumaire quand son frère s’est présenté le lendemain trop confiant devant les assemblées. Napoléon fera tout pour effacer le rôle décisif de Lucien dans le succès de sa prise du pouvoir !

Les relations des deux frères ne cesseront, ensuite, de se détériorer. D’abord, en 1800, à propos du rétablissement de l’Académie française que Lucien souhaite et pas Napoléon. Puis, plus fondamentalement, à propos du passage au Consulat à vie et de la dérive impériale qui suit. À partir de 1803, le remariage de Lucien avec Alexandrine de Bleschamp, jeune veuve d’un ex-agent de change, envenime encore leurs relations, car Napoléon exige en vain que Lucien s’en sépare pour participer au mercato marital des dynasties européennes. Dès lors, Lucien s’exile avec sa famille, en Italie, en Angleterre, à défaut de pouvoir gagner l’Amérique. Après les Cent-Jours auxquels il apporte son aide diplomatique, Lucien est assigné à résidence dans les États romains.

Le second mode de lecture que Cédric Lewandowski laisse affleurer est ce qui pourrait relier l’histoire au présent. D’abord, en tant de directeur du cabinet civil du ministre de la défense de 2021 à 2017, l’auteur signale qu’il a occupé le bureau de Lucien à l’hôtel de Brienne. Par ailleurs, dès l’introduction, il souhaite « rendre à Lucien Bonaparte la juste place qu’il mérite dans notre histoire ». Il s’inscrit ainsi dans la continuité de Lucien puis de son épouse Alexandrine et de ses enfants qui n’ont eu de cesse de rétablir leur version des faits altérés par la légende napoléonienne. L’auteur souligne aussi l’actualité politique de certaines idées de Lucien : quand, en 1833, il rédige un projet de constitution en 20 articles, il envisage l’élection au suffrage universel direct du chef de l’exécutif.

Enfin, comment, à notre époque de « nouveau monde » et de « président jupitérien », ne pas savourer une biographie qui rend justice à un homme ayant résisté à un empereur ? Comment ne pas saluer cette interrogation portée en conclusion de l’ouvrage : « dans une époque où l’adaptation est le maître mot, Lucien est de loin le plus constant dans son comportement comme dans ses aspirations. Certes, son chemin ne fut pas une ligne droite, c’est une évidence, mais quel homme peut se vanter d’être tout d’une pièce ? ».

 

P.S. : Notons que l’auteur ne tranche pas sur l’appartenance de Lucien à la franc-maçonnerie. Il note simplement que lorsque Lucien est élu en 1798 au Conseil des Cinq cents, «  il commence par se taire et apprendre, comme le font les jeunes initiés de la franc-maçonnerie, dont il est sans doute un membre actif, malgré l’absence de preuve établie ». Il ajoute plus loin : « faute de preuves, impossible d’aller plus loin, mais il est clair que tout dans le parcours de Lucien plaide en faveur de cette appartenance qui ne fut probablement qu’un élément parmi d’autres de sa foi en l’avenir du combat républicain ».

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article