Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Le nombre de parlementaires d’extrême-droite dans l’Assemblée nationale élue en 2022 a de quoi gâcher les joyeuses discussions de vos agapes ? Tentons une analyse pour raison garder.
Premièrement, ce « succès » s’inscrit dans une grande tradition présidentielle française : l’instrumentalisation du vote d’extrême droite pour garder le pouvoir. Souvenez-vous : on reprocha en son temps à François Mitterrand, en difficulté électorale, d’avoir permis au Front national (FN), ancêtre du Rassemblement national (RN), d’obtenir 35 élus grâce au scrutin proportionnel instauré pour les élections législatives de 1986. À partir de cette date, la droite était minée par le débat sur le ralliement ou non au « front républicain », c’est-à-dire au vote « tout sauf le FN ».
Avec la forte progression des élus RN aux élections législatives de 2022, le « front républicain » semble bien mort. Certes ce « front » était déjà bien mal en point, car la droite devait faire face à la poussée électorale quasi régulière du FN : il y eut « la droite décomplexée » de Jean-François Copé à la fin des années 1990, puis le « ni FN, ni PS au deuxième tour » de Nicolas Sarkozy aux élections cantonales de 2011. La « touche » macroniste consiste à un enterrement de « premier de cordée » du « front républicain ».
Premier acte, Emmmanuel Macron mobilise aux seconds tours des élections présidentielles de 2022 (et déjà de 2017) en utilisant le ressort « républicain » : les électeurs de gauche votant pour le « moins pire ».
Deuxième acte : moins d’un mois plus tard, il renvoie dos à dos le RN et les alliés de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES) au nom du « sursaut républicain », rejetant ainsi ses électeurs présidentiels... hors de la République ! Et voilà le front républicain qui fonctionnait déjà mal auprès des électeurs de droite, qui fonctionne désormais tout aussi mal auprès des électeurs de gauche. Résultats : les candidats RN sont élus en un nombre record ; à gauche, l’opposition de la NUPES est concurrencée et affaiblie ; à droite, Les Républicains sont tentés de trouver leur salut soit en ralliant le président de la République (il a besoin de voix pour assurer sa majorité à l’Assemblée nationale), soit au RN (devenu « fréquentable » avec, d’un côté, Éric Zemmour qui a su incarner l’extrême-droite à lui tout seul ! et, de l’autre côté, certains leaders de droite qui ont mené des révisions idéologiques successives).
Troisième acte (à venir) : en obtenant un résultat de scrutin proportionnel avec le scrutin uninominal à deux tours, Emmanuel Macron se vantera d’avoir une Assemblée nationale plus conforme à la répartition des voix dans le pays, bref d’avoir renouvelée notre démocratie !
La seule colonne vertébrale du macronisme est donc le machiavélisme. Il applique les conseils prodigués par Nicolas Machiavel à Laurent II de Médicis dans Le prince (1513) : toujours s’adapter aux circonstances ; ne pas choisir les actions conformes à la morale, mais celles qui permettent de se maintenir au pouvoir ; bien masquer les entorses éthiques, la tromperie et la manipulation qui en découlent... Il a particulièrement bien assimilé l’avertissement de Machiavel : « Si tu savais changer de nature quand changent les circonstances, ta fortune ne changerait point ».