Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Crédits : Irene Steeves
Jean-Pierre Bacot
Édité par la Libre Pensée, cet ouvrage qui vient de paraitre est constitué de deux parties très documentées. La première nous rappelle ce que furent jadis les rapports conflictuels entre l’Église et la République, puis on en vient à la constitution d’une commission d’enquête sur les dérives sexuelles de nombreux religieux. Cette partie est intitulée : « La fortune et l’avarice au bras du crime ». La seconde, qui s’occupe du patrimoine, est titrée : « La Rivière Pactole baigne toujours les rives de l’Église de France ». Cet humour cache un travail rigoureux qui s’achève avec de longues annexes reprenant, diocèse par diocèse (26 ont été particulièrement étudiés), des éléments de compte d’exploitation. Les situations sont certes contrastées, mais la richesse patrimoniale et financière mise en lumière est impressionnante. À titre d’exemple, certaines résidences d’Archevêques sont estimées à trois ou quatre millions d’euros.
Les différentes sections locales de la Libre Pensée ont entrepris de constituer une masse imposante d’informations qui permet au coordonnateur de cet ouvrage, Dominique Goussot, de nous proposer un panorama saisissant de ce que possède encore l’Église catholique en France. C’est à partir d’une résolution du congrès national de la Libre Pensée en 2021 à Voiron que ce travail de recherche a été entrepris. Un an plus tard, le résultat est là, qui mérite d’être diffusé largement.
L’idée est partie de la faiblesse des indemnisations proposée par la commission ad hoc aux victimes d’abus sexuels, dont certaines ne se remettront jamais des exactions commises à leur égard. Les archevêques ont osé faire appel à la générosité des fidèles, qui est d’ailleurs en baisse tendancielle, alors que l’argent ne manque pas dans les placements, sans parler du patrimoine immobilier. De moins en moins nombreux, les prêtres et religieux survivants dorment sur un tas d’or du sommeil de l'injuste.
La richesse de l’Église est encore plus importante que ce que cet ouvrage nous présente, dans la mesure où le patrimoine des Religieux et Religieuses dits « réguliers », à savoir ceux dont les effectifs, aujourd’hui réduits, peuplent les couvents, n’est pas intégrée à ce compte. L’ensemble permet de sourire jaune quand des ecclésiastiques viennent nous expliquer qu’ils ne sont pas aussi riches qu’on le croirait. Comme l’expliquent les auteurs de l’ouvrage, l’Église romaine dispose en effet d’au moins huit milliards d’euros «pour laver partiellement une infamie, dont le coût de l’indemnisation pourrait se situer entre un et deux milliards ».
On est bien loin du compte, quand on lit qu’une femme de 21 ans, violée, ayant présenté un état de stress post-traumatique de 20%, percevra la somme de 51.800 euros et que pour un enfant de onze ans dont la séquelle post traumatique est estimée à 40%, suite à des abus sexuels renouvelés, le somme allouée serait de 162.000 euros. Mais la plupart des victimes ne se voient proposer que des sommes bien inférieures, sans parler de celles et ceux qui refusent d’entrer dans ce processus d’indemnisation.
En résumé, un tel travail d’enquête extrêment fouillé permet d’éloigner à la fois les fantasmes et la désinformation. Ruinée après la Révolution, affaiblie par la loi de 1905, l’Église s’est refait une santé. Ce que l’on découvre semaine après semaine et pas seulement en France, réputée fille aînée de l’Église, contribue à la désaffection des fidèles, même s’ils restent croyants.
NDLR : Dominique Goussot a récemment participé avec une équipe de France Télévision à la préparation d’un numéro de Complément d’enquête intitulé « Victimes de l'Eglise : l'impossible réparation ».