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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Numéro double de la revue jaune - Critica ▲ - 21/22 - juillet 2023

En exclusivité, retrouvez l'édito du numéro double de la revue jaune, paru en juillet dernier, et que vous pouvez retrouver par abonnement ICI.

Volume 11/1-2, numéro spécial 21-22 – juillet 2023

 

La culture populaire

 

Éditorial

Pourquoi un numéro sur la culture populaire pour marquer notre dixième anniversaire ? Peut-être parce que la plupart de nos lectrices et lecteurs, humanistes et progressistes, baignent dans une culture que les bourdieusien-nes qualifient volontiers de « légitime » (littérature, théâtre, musique, peinture). Il est bien possible d’ailleurs que cette culture et sa pratique participent à maintenir ce qui demeure de démocratie à demi éclairée en ce pays. Bien sûr, il existe aujourd’hui des formes d’hybridation et chacun, chacune, pioche dans divers univers, en ébranlant au passage les frontières établies entre les champs culturels. En tout état de cause, ce que nous allons tenter d’analyser dans ce numéro spécial, relève d’un monde qui peut nous rester plus ou moins étranger, selon ce que nous avons construit comme synthèse au cours de notre histoire personnelle. Bien évidemment, nous ne couvrirons qu’une partie d’un champ aussi immense que négligé.

C’est Marc Gauchée qui ouvre ce dossier en tentant une sorte de généalogie du mépris. Supposée par certains n’être qu’une déclinaison de la culture de masse et commerciale, anglo-saxonne, voire récemment japonaise, la culture populaire, « éternelle suspecte », aura longtemps été sensée s’adresser en priorité aux femmes et aux enfants, bref relever d’un divertissement pour mineur-e-s, sans profondeur. On aura paré cet univers de plus en plus massif de tous les maux : ébranlement de l’ordre social et moral, ou assassinat des concepts d’art et d’auteur. En tout état de cause, le concept de culture populaire ne doit pas être confondu avec celui de culture de masse.

Spécialiste reconnu de la question, Daniel Compère, cherche ensuite à éclairer la complexité d’une notion de culture populaire qui s’est construite au xixe siècle avec les premiers romans feuilletons. Il va rechercher plusieurs cas saillants, en commençant par Ponson du Terrail, mais en allant jusqu’aux mangas d’aujourd’hui. L’auteur aborde avec le xxe siècle la question de la naissance des genres et des pratiques éditoriales. La revue Le Rocambole qu’il dirige constitue une sorte de tête de pont des recherches en la matière, et ce depuis 1998. Son numéro 100 vient de sortir, il fera événement.

Marie Palewska étudie le cas d’un écrivain dont la notoriété fut éclipsée par celle de Jules Verne, Paul d’Ivoi (Paul Charles Philippe Éric Deleutre, 1856-1915). Ancrant son imaginaire en partie scientifique dans son époque, l’écrivain bénéficie aujourd’hui d’un regain d’intérêt, sous l’égide du Steampunk, l’un des registres de la science-fiction qui mêle la technique aux personnages réels et de fiction. L’auteur des Cinq Sous de Lavarède et des Voyages excentriques permet à l’autrice de regarder ce que sont ces étonnantes « résurrections contemporaines ». La redécouverte, pain béni de la recherche, obéit, elle aussi, à des règles.

Jacques Baudou nous présente pour sa part la riche histoire des feuilletons radiotélévisés. Depuis la fin des années 1920 et la naissance de la réception publique de la radio, c’est une activité qui a mobilisé des auteurs, des adaptateurs, des metteurs en onde, des comédiens, puis des réalisateurs, et a depuis bénéficié d’une audience jamais démentie. Le rappel de certaines émissions devenues cultes réveillera les souvenirs de bien des lectrices et lecteurs. Malheureusement, notamment pour ce qui concerne l’aspect radiophonique, beaucoup d’émissions furent réalisées en direct et non-enregistrées. La culture populaire souffre également d’une absence d’historisation.

Quant à Jean-Luc Buard, il nous livre une de ses spécialités : les circulations internationales, l’analyse du parcours, tous médias confondus, d’un des personnages les plus célèbres qui soient, le très britannique Sherlock Holmes. L’auteur, utilisant la méthode de son héros voyageur, traque un grand nombre de déclinaisons et transpositions européennes, s’attachant au passage à un métier essentiel dans ces processus, celui des illustrateurs, dessinateurs, graveurs, puis photographes. Les universitaires se sont mis à la tâche pour proposer des éditions critiques de l’œuvre de Conan Doyle, que l’on n’oubliera pas.

Fabien Granjon nous retrace l’histoire malheureuse de la Maison du Peuple de Saint-Claude, la Fraternelle, construite en 1881 dans une ambiance solidariste. Haut lieu de la culture et de l’éducation populaires, structurée en Maison du Peuple en 1910, elle commença à décliner dans les années 1970. En 1983, la coopérative s’éteignit, victime du tournant libéral de la social-démocratie française. Aujourd’hui, une association tente vaille que vaille de réactiver la tradition de l’éducation populaire avec une offre culturelle diversifiée.

Jean-Marie Cabot et Jean-Pierre Bacot nous présentent, pour clore ce dossier, un article sur l’opérette, un genre musical et théâtral qui continue à avoir du succès, malgré le caractère suranné qu’on lui applique souvent. Après avoir repris des éléments d’histoire du genre et interrogé plusieurs chanteuses et chanteurs spécialisés dans ce répertoire, les auteurs étudient le statut de cette musique qui fonctionne comme une sorte d’actualisation de la nostalgie.

Deux articles en varia complètent ce numéro : Abraham Fiorentino nous propose une lecture très heuristique et originale du rituel maçonnique considéré comme un jeu, prenant appui notamment sur la logique des échecs, pour procéder à une transposition des pièces avec les officiers d’une loge, ce qui, n’en doutons pas, ravira les connaisseurs et les fera sourire. Quant à Julien Vercel, il revient sur la notion de transition qui fut d’abord utilisée en démographie, puis en écologie et se retrouve désormais régulièrement servie pour habiller la nécessité de réformes des pratiques politiques ou individuelles, sans pour autant mettre en cause le système. Il s’agit aujourd’hui d’une sorte d’écran destinée à masquer les choix politiques sous un amas de contraintes économiques et environnementales. « Tout doit changer pour que rien ne change »…

 

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