Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
Le saviez-vous ? 90% des marchandises que produit le vaste monde se promènent sur les mers et les océans à bord de navires bardés de containers. Certains touristes louent des cabines pour traverser à peu de frais les océans. Mais c’est en ethnologue que Claire Flécher a embarqué pendant pas moins de quatre années sur ces géants des mers que l’ont voit souvent faire la queue dans les grands ports en attente de débarquement, lequel peut s’éterniser en cas de grève des dockers. Elle en a rapporté un texte édifiant et passionnant, même si le registre d’écriture n’est pas très littéraire et que l’on note quelques répétitions qui alourdissent la lecture.
Sur ces navires affrétés pour partie par la première structure spécialisée mondiale, la CMA-CGM (Compagnie maritime d'affrètement-Compagnie générale maritime), sise à Marseille, devant ses concurrentes américaines ou chinoises, l’encadrement est souvent français. Mais les marins viennent de nombreux pays et ils n’ont guerre de vie commune. Pourtant, un code non écrit existe, qui fait que la cohabitation à bord n’est pas explosive, que la sécurité est assurée et que le système perdure bon an mal an pour le plus grand profit des armateurs.
La nature du capitalisme international est telle que les chargements peuvent changer de propriétaire en cours de voyage et même les destinations, ce qui n’étonne plus les marins. Les lieux où tout se décide, par exemple la tour de la CGM, sont réputés plus difficiles d’accès que les bateaux. C’est ce que Claire Flécher appelle la mondialisation par le bas, couvrant souvent une délinquance en col blanc.
Un tel ouvrage, faut-il le souligner, est nécessaire à la compréhension de la manière dont fonctionne le commerce international. Répétons-le, l’avion-cargo, le train de marchandises, le camion, ne sont que des détails par rapport aux liaisons transocéaniennes, un univers où émergent péniblement les premiers droits sociaux internationaux pour les marins philippins, ukrainiens, lettons, indiens ou français.
Claire Flécher a réalisé un véritable travail de galérienne. Qu’elle en soit remerciée. Editions La Découverte, 2023, 2354 pages, 22 euros