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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Les algorithmes attaquent, mais les revues résistent - Revue Réseaux (n°243)

Jean-Pierre Bacot

« J’ai été contacté il y a quelques mois pour évaluer un article, demande banale, sauf qu’elle ne venait pas d’une revue académique, mais directement d’une plateforme. Son algorithme « estimait » que j’avais suffisamment de proximité avec l’auteur pour pouvoir porter un avis un avis éclairé sur son travail. Si ma review et celles de autres personnes sollicitées se révélaient positives, la plateforme enverrait, ensuite, le texte à différents lecteurs, en fonction de leurs domaines d’intérêt déterminés par les données qu’ils avaient laissées lors de leur passage sur le site. » Ainsi commence la présentation du dernier numéro (243) de Réseaux par son fondateur et rédacteur en chef Patrice Flichy.

Dans le reste de son texte, qui fera date, Patrick Flichy défend le travail des revues et de leur comité de rédaction dans l’intérêt de la communauté universitaire, mais aussi du public élargi dont bénéficient les sciences de l’Information et de la Communication. Ajoutons que les éditions de la Découverte qui éditent cette publication qui a fêté récemment ses quarante ans, jouent un rôle comparable en publiant nombre d’ouvrages de chercheuses et chercheurs dont nous rendons régulièrement compte sur ce blog.

La résistance s’organise en deux parties, la première d’intitulant « Suites ». Elle commence par un article de Daniel Dayan qui rend hommage à deux personnages importants de la sociologie des médias disparus il y a peu, Elihu Katz et Todd Gitlin. Ces deux chercheurs furent les amis de Dayan, bien que leurs orientations aient été différentes. Katz a beaucoup travaillé sur les ressources cognitives et émotives qui déterminaient la réception des médias, parallèlement au statut social, tandis que Todd Gitlin cherchait à élargir la sociologie des médias à des problématiques sociales plus générales. Dayan choisit d’inscrire le parcours de ses deux sociologues à la fois dans une démarche poststructuraliste et dans une théologie juive, dans une démarche pour le moins originale. Il revient, témoignage et regard critique mêlés, sur les intenses polémiques qui se développèrent autour de problématiques et théories  alors nouvelles.

Julien Boyadjian s’inscrit dans la tradition de la revue en nous proposant un papier sur « les logiques sociales de structuration de l’internet français ». Sans surprise, ce sont le genre, l’âge et la position sociale qui s’avèrent surdéterminants. Pour autant, l’auteur s’inscrit en faux contre l’affirmation selon laquelle la fracture numérique serait marquée par l’exclusion des anciens, mais note, en ayant scruté plus de 500 sites et applications, qu’il existe en fait « une homologie structurale » entre l’espace numérique et l’espace social « réel ».

Manon Langaa, Gilles Pinson et Adam Smith se sont intéressés à la ville de Bristol, pour noter que la stratégie numérique des autorités anglaises s’est développée en une sorte de dialectique avec les initiatives des groupes sociaux, dont certains relevaient d’une contre-culture très forte dans cette ville post-industrielle.

Sylvie Grosjean présente de nouvelles pratiques permettant de penser le design de certains outils médicaux, en suscitant des récits d’usages. Elle prend l’exemple des malades parkinsoniens pour étudier ce qu’elle nomme « l’autosoin », lequel permet un perfectionnement des avancées de l’intelligence artificielle.

La deuxième partie s’appelle « prélude », en une inversion des pratiques musicales habituelles, qui s’explique par le fait qu’il s’agisse de présenter dans ce cadre des recherches émergentes. Pascal Ughetto a travaillé sur la manière dont les informaticiens ont relevé dans leur histoire d’un « mode agile ». Dans un second article, l’auteur parle cette fois-ci de « développement agile », à propos du pouvoir des informaticiens et de ses limites. Quant à Adrian Mackenzie et Simon Monk, ils s’intéressent aux pratiques collectives de programmation.

En résumé, ce numéro marque une forme de résistance, entre passé et avenir des recherches sociologiques, au sein d’une revue académique. Dans ce qu’il aurait pu appeler « Ouverture », Patrice Flichy marque le territoire de ces outils indispensables au développement et à la publicité des pensées. Encore quelques temps à attendre et l’IA fabriquera un article qu’elle demandera à un responsable de revue de corriger, ce qui permettra d’améliorer l’algorithme. Au nom d’un humanisme assumé, La lutte contre les plateformes et l’intelligence artificielle, tout au moins ses aspects néfastes, ne fait que commencer.

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