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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Les âmes tièdes, le Vatican et la Shoah », de Nina Valbousquet

Jean-Pierre Bacot

Chercheurs et journalistes se sont montrés très curieux le jour où le Pape François a décidé, en mars 2019, d’ouvrir les archives de son prédécesseur Pie XII, qui régna au Vatican après avoir été Nonce apostolique à Berlin. Le moins que l’on puisse dire c’est que cet Eugenio Pacelli (1876-1958) avait déjà, bien avant l’ouverture de ses papiers, une sinistre réputation d’homme pour le moins tiède ayant scandalisé nombre de sommités morales, d’Albert Camus à Jacques Maritain pour ses silences complices face à l’extermination des Juifs, sans parler ici des Tziganes.

Nous n’irons pas jusqu’à dire que ces archives auront accouché d’un bataillon de souris. Mais l’ouvrage de Nina Valbousquet ne nous apprend pas grand chose, sinon par le nombre d’exemples qui donnent une profondeur humaine à un débat d’idées rebattu, mais inépuisable. Autre intérêt de l’ouvrage, l’appel aux deuxièmes et troisièmes couteaux qui permet de voir se déployer en profondeur une vielle idéologie anti judaïque et antisémite.

Plusieurs approches sont ensuite déployées dans ce livre, la question des Juifs convertis, le refuge que le dictateur brésilien Getúlio Dornelles leur offrit dès 1939, un épisode assez peu connu. Mais les conditions financières et professionnelles furent drastiques. Puis vient une analyse en détail de ce que fit la diplomatie vaticane durant les années de guerre et l’alternance de drames dont fort peu furent hélas évités, le Vatican n’ayant jamais voulu établir un véritable rapport de forces. Suit la période de Roma, città aperta (1943-1944) pour citer le film de Roberto Rossellini, sorti en 1945, puis celle de la Libération.

La troisième partie du livre est consacrée à l’après-guerre et la faible prise en compte par le Vatican de ce qui a progressivement saisi d’effroi une partie élargie de l’opinion, jusqu’à l’adoption du terme Shoah, lequel mériterait au passage d’être historicisé. D’une part, les préjugés contre les Juifs sont tenaces au Vatican et, d’autre part, la Sainte Église Apostolique et Romaine n’aime pas faire le ménage chez elle, l’actuel débat autour d’une autre question, les abus sexuels des prélats, en témoignant jour après jour.

À bien regarder la bibliographie de l’ouvrage, on s’aperçoit que l’auteure, qui ne cesse de protester de son absence de parti pris, se garde bien de citer l’une des meilleures historiennes de la deuxième guerre mondiale, Annie Lacroix-Ruiz, à qui l’on doit, entre autres livres, un remarquable ouvrage, Le Vatican l’Europe et le Reich, nouvelle édition refondue, Armand Colin, 2010. Certes, cette chercheure professe des idées communistes dont nous ne partageons pas toutes les conséquences dans le champ politique, mais en matière de travail sur archives, et ce en plusieurs langues, elle n’a rien à se reprocher, même si certain-e-s lui en veulent à mort d’avoir beaucoup insisté sur la collaboration économique, notamment celle des automobiles Renault. Une citation, fût-elle critique de ses travaux, aurait relevé des plus élémentaires correction et déontologie universitaire. Signalons, pour que les choses soient claires, qu’ayant prévenu Annie Lacroix-Ruiz de cet ostracisme, celle-ci nous a répondu qu’elle en avait l’habitude, en mettant copie à l’auteure.

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