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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

La Liste forcément infâmante de mes ex

La Liste forcément infâmante de mes ex

Catherine Ruisselet

Aux États-Unis, les femmes qui « collectionnent » les hommes sont depuis longtemps l’objet d’une condamnation morale de façade qui ne parvient pas à éclipser un sentiment de curiosité salace et de jalousie. D’abord parce que ces femmes sont toujours fort séduisantes. Ensuite parce que le lecteur mâle doit bien reconnaître qu’il a peu de chances de figurer sur ces « listes ».

Les affaires de « listes » d’ex fascinaient déjà la presse à scandale de Hollywood, elle occupe aujourd’hui la presse "pipole". Marilyn Monroe a ainsi su mêler amants prestigieux et roturiers ; Lindsay Lohan a listé 36 amants célèbres lors d’une soirée trop arrosée et Rihanna s’illustre encore régulièrement par une collection de beaux gosses. En France, il faut remonter à 1963 pour trouver une affaire de « liste ». Brigitte Bardot avait alors réussi à faire interdire par la justice une chanson écrite par Guy Béart intitulée Bob, bob, BB où ses ex étaient évoqués et commentés.

La Liste forcément infâmante de mes ex

Depuis, le phénomène s’est étendu du showbiz au monde politique. Changeant ainsi d’univers, il a aussi changé d’objectif. La « liste » n’est plus cet objet de fascination pour un monde qui n’est pas le nôtre, celui des stars, elle est devenue une arme pour disqualifier et discréditer ses adversaires et condamner ces femmes toujours trop libres !

Il faut reconnaître que les hommes politiques ont participé à la porosité entre les mondes du showbiz et des affaires publiques quand ils se sont mis à s’afficher aux bras de mannequins, de chanteuses ou d’actrices et parfois les trois en même temps. Il devient alors presque banal de faire la « liste » des ex. C’est ce qui est arrivé à Carla Bruni entre le moment où elle a connu la célébrité avec son album Quelqu’un m’a dit (2002) et le moment où elle a épousé Nicolas Sarkozy (2008). Et voilà Carla Bruni-Sarkozy devenue une « croqueuse d’hommes », une image qu’elle assumait, expliquait et dont elle savait jouer, même dans Le Figaro Madame : « Je suis monogame de temps en temps mais je préfère la polygamie ou la polyandrie. L’amour dure longtemps, mais le désir brûlant, deux à trois semaines » (15 février 2007). Quand elle se revendiquait encore « de gauche », elle avait même osé se révolter contre la tolérance asymétrique et genrée : « Si tu as 250 gonzesses, tu es un charmant Don Juan. Mais si, moi, je me permets d’avoir 250 mecs, on sait ce que je suis. Je suis une pute qui ne se fait pas payer, certes, mais voilà » (Les Inrockuptibles, 16 avril 2003). Comment lui donner tort quand nous revient aux oreilles l’air du catalogue dans Don Giovanni (Lorenzo Da Ponte et Wolfgang Amadeus Mozart, acte I, scène V, 1787) qui recense le nombre de maîtresses du séducteur par pays : « En Italie six cent quarante,/ En Allemagne deux cent trente et une,/ Cent en France, en Turquie quatre-vingt onze,/ Mais en Espagne elles sont déjà mille trois ».

L’assignation de Carla Bruni-Sarkozy à l’archétype de la « croqueuse d’hommes » relève tout à la fois de l’ancienne fonction de la « liste » (faire rêver à ce monde inaccessible de stars) et de la nouvelle (discréditer le président en exercice toujours un peu plus, avec un suspense supplémentaire : réussira-t-il enfin à être le dernier de la « liste » ?). Ce n’est donc pas seulement Carla Bruni-Sarkozy qui était visée. Il en est de même quand l’opinion apprit qu’Aurélie Filippetti était en couple avec Arnaud Montebourg. Les journaux et les sites internet relayèrent avec gourmandise la « liste » des ex de Madame et de Monsieur, comme si on avait voulu insinuer que leur recherche sentimentale (ou leur instabilité diront leurs détracteurs) était le reflet de leur recherche politique (ou de leur trahison diront ces mêmes détracteurs)... et, donc, d’en conclure qu’ils seraient voués à vivre une succession d’échecs sur les deux tableaux !

L’ultime preuve de l’utilisation de la « liste » des ex comme une arme de discrédit fut donnée au début de l’année 2016. Rachida Dati avait saisi la justice pour que Dominique Desseigne soit reconnu comme le père de la petite Zohra. Pour sa défense, il avait expliqué que Rachida Dati « entretenait des liaisons » entre 2007 et 2008 (linternaute.com, 8 janvier 2016), qu’il avait clairement dit qu’il ne voulait pas d’enfant et que cette relation n’était qu’une « aventure ». Le jugement tomba et Dominique Desseigne fut reconnu comme le père de Zohra. Ainsi, en 1963, la justice française avait affirmé que la « liste » devait rester une affaire privée, en 2016, elle affirme que ce n’est pas un argument décisif. On progresse donc.

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A
ex voto de notoriété
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L
Comme je suis assez libérée, je m'épargne la lecture des "listes" des autres. La mienne suffisant à ma gourmandise. C'est néanmoins un article intéressant qui, finalement, entre dans le tabou de la sexualité des femmes. Il va s'en dire que ces femmes "à liste" sont toutes "très amoureuses" de leurs conquêtes.
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B
1
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A
Pauvre Betty