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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Ces idées venues d’ailleurs : la« Manterruption »

Julien Vercel

Le mot valise « Manterruption » pour « interruption masculine inutile », a été inventé par Jessica Bennett, dans Time Magazine le 22 février 2015 (« How Not to Be ‘Manterrupted’ in Meetings »). Le phénomène consiste, pour un homme, à couper brusquement la parole à une femme.

Parmi les exemples récents cités par les professeures Nathalie Bitbol-Saba et Clémence Aubert-Tarby (« Politiquement incorrect ? La pratique de ‘manterruption’ décryptée », theconversation.com, 31 août 2017), il faut se souvenir des interruptions d’Hillary Clinton par Donald Trump lors du débat avant les élections présidentielles américaines, le 27 septembre 2016 ou, de ce côté-ci de l’Atlantique, celles de Nathalie Kosciusko-Morizet par ses concurrents masculins lors du débat pour les élections primaires de la droite, le 17 novembre 2016.

Les chercheuses Delphine Dulong et Frédérique Matonti ont observé la première année de mandat des nouvelles élues et nouveaux élus du Conseil régional d’Île-de-France (« Comment devenir un(e) professionnel(le) de la politique ? L’apprentissage des rôles au Conseil régional d’Île-de-France », Sociétés et Représentations, n°24, éditions de la Sorbonne, 2007). Et, en ce qui concerne la prise de parole en public, elles ont trouvé un terrain favorable au développement de la manterruption. Les élues enquêtées précisent d’abord que, la première fois, elles n’ont pas pris la parole, mais qu’elles l’ont reçue de leurs aînés masculins. Ensuite, elles remarquent que la présence d’écrans diffusant le visage de l’oratrice multiplie les occasions de comportements sexistes tels que les paroles déplacées ou les sifflements. Par ailleurs, la distribution de la parole en séance est particulièrement sexuée : les hommes interviennent plus souvent et monopolisent certains sujets comme les finances ou les questions de procédure et de débats. En commission, ce sont les hommes qui sont les moins attentifs et les plus dissipés. Enfin les deux chercheuses ont constaté que « les hommes coupent beaucoup plus souvent la parole que les femmes et qu’ils la prennent davantage avant qu’on ne la leur ait donnée ».

Il faudrait ajouter à ces comportements ce que la sociologue Bénédicte Zitouni appelle « l’homme-qui-se-permet-d’expliquer-sans-qu’on-lui-ait-rien-demandé » (citée dans Les Faiseuses d’histoire. Que font les femmes à la pensée ? de Vinciane Despret et Isabelle Stengers, La Découverte, 2011). Autant d’habitudes et de pratiques qui conduisent à banaliser la manterruption.

Dans le film Ce que veulent les femmes (What Women Want de Nancy Meyers, 2000), il fallait que le publicitaire misogyne Nick Marshall (Mel Gibson) se fasse accidentellement électrocuter pour qu’il entende enfin ce que pensent les femmes et, surtout, finisse par admettre qu’une femme, Darcy McGuire (Helen Hunt), puisse diriger le département Projet de son agence ! Nul besoin d’aller vers ces extrêmes électriques, pour admettre que si la manterruption est bien une idée qui vient d’ailleurs, sa pratique est largement répandue dans l’Hexagone.

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