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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Quinzinzinzili » n°38 : retrouver André Prud’hommeaux

Jean-Pierre Bacot

 

Encore un numéro qui n’ennuiera pas les lecteurs. Il commence par une chronique d’histoire récente des déboires subis par les revues littéraires face à la commission paritaire, chargée d’accorder les dégrèvements postaux. Des textes de Gérard Klein, François Hoff, Arno Letournelle, Écila Cassem et d’un certain AC puisés, sauf erreur de notre part, dans l’ancêtre de la revue, Le Bulletin des amis de Roger Messac, mettent en perspective cet aspect crucial de la lutte pour la survie du papier, aujourd’hui plus qu’hier, avec la généralisation du numérique. Dans le cadre de la défense des revues dans leur rôle culturel, cause que nous ne pouvons que partager, Étienne d’Issensac insiste en élargissant le propos aux associations qui très souvent les supportent.

Vient ensuite l’éditorial d’Olivier Messac, estimé fondateur et rédacteur en chef de Quinzinzinzili qui s’inquiète du fait qu’alors que nous fêtons les cinquante ans de mai 1968, certains éditeurs, Fayard et Gallimard en tête, se risquent à republier des textes ouvertement antisémites, non seulement les pamphlets de Céline et consorts, mais aussi certaines œuvres du philosophe Alain. Il semble qu’au gouvernement on ait peu apprécié de telles initiatives. Alors, sur ce coup là, merci à lui, tout arrive.

 

On en vient après cela à une chronique « échos et ruades », signée Anne Gabriel où l’auteure revient sur plusieurs aspects mémoriaux, notamment à propos des archives de mai 1968 et de l’écrivain Maurice Renard. Ce dernier fut en vedette dans le numéro précédent de Quinzinzinzili et une revue en ligne, Res Futurae, en prolonge la renaissance. L’auteure propose une variation sur des dates-clef, 1950, 1984, 2018, ce qui permet de croiser George Orwell et Michel Onfray, lequel avait débusqué il y a longtemps l’antisémitisme d’Alain (Émile–Auguste Chartier, 1868-1951), réputé pédagogue de talent, philosophe rationaliste, radical, au sens ancien et très français du terme, c’est à dire d’une gauche modérée, esprit français, etc. Son idéologie nauséabonde s’est construite sur le tard, le personnage s’étant d’abord agrégé avec de rares prescients  à un comité d’intellectuels antifascistes, au côté de Paul Langevin, avant d’approuver les accords de Munich et de sombrer dans l’acceptation du pire. On rediscute également l’éternelle question de ou des Céline.

 

Dans la construction du « Panthéon des amis », Guibert Lejeune nous propose, au cœur de ce numéro, la première partie d’un portait d’André Prud’hommeaux (1902-1968), de Berlin à Budapest. L’auteur assure défense et illustration, d’un « combattant de plume et d’épée », libertaire assumé et critique attitré. Si Quinzinzinzili sert aujourd’hui à quelque chose, c’est bien à rendre hommage à des grands oubliés, sous le double aspect de leur talent et de leur valeur morale. La revue poursuit l’érection du tombeau, au sens littéraire du terme, avec une lecture par André Prudhommeau de La Cité des asphyxiés de Régis Messac, roman publié en 1937 et dont il est banal, mais tout autant nécessaire, de souligner qu’il est d’une certaine actualité, au train où va le monde. Du même auteur, on lira un article émouvant sur la mort de ce même Régis Messac. En octobre 1945, six mois après la libération des camps de concentration en Allemagne, l’écrivain était encore porté disparu, mais sa mémoire est des plus actives.

 

Quant à Guillaume Lanuque, il s’attaque au roman populaire des années Louis Philippe avec « Des révolutions au futur antérieur », thème traité par Philippe Ethuin dans un livre qui vient de paraître Demain les révolutions, utopies et anticipations révolutionnaires (PubliNet, 2018). Deux articles consacrés à la science fiction terminent ce numéro 38. Natacha Vas Deyers s’intéresse aux romans de space opera de Didier Reboussin, critique averti du genre qui vient de passer le Rubicon en publiant L’Arbre aux lunes (Pulp Factory, 2017). Pour sa part, Olivier Messac propose « La science-fiction au pays de Gagarine », article très fouillé où il revient en détails sur la pléiade d’auteurs Est-européens aujourd’hui redécouverts malgré une certaine frilosité des éditeurs spécialisés. Ce vivier s’avère bien plus large que le petit nombre de transfuges qui ont jadis acquis en occident une notoriété aussi politique que littéraire, ce qui renvoie quoi qu’il en soit Georges Sadoul a ses chères études, lui qui pensait que la SF était presque uniquement américaine.

 

Une fois de plus Quinzinzinzili défend la cause, la mise en mots et en imaginaire des nécessités éthiques dans une démarche mémorielle et active, patiente, autant que nécessaire.

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