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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Rocambole » retrouve Bécassine

Jean-Pierre Bacot

 

Nos lectrices et lecteurs savent que le propre de la revue Rocambole est de s’intéresser en profondeur à tous les aspects de la littérature populaire. Pour ce numéro double, la rédaction à fait appel à Bernard Lehembre, spécialiste reconnu de Bécassine, personnage apparu en 1906. Il dirige un dossier très complet autour, d’une part, de son créateur Joseph Pichon (1871-1953) et, d’autre part, des différents supports qui ont mené Bécassine au sommet de la gloire dans la littérature enfantine. Une bibliographie complète de ce qui a été écrit par et sur Pichon est également proposée, y compris ce qui concerne les adaptations cinématographiques. Rémi Duvert, Jean-Marc Bochand et Dominique Petitfaux  ont participé à ce dossier.

 

Comme le rappelle Bernard Lehembre dans son introduction, Joseph Pichon, s’il est aujourd’hui oublié, fut l’un des pionniers de la bande dessinée et a œuvré dans les domaines artistiques les plus variés puisqu’il fut plasticien, peintre animalier, dessinateur de costumes, directeur artistique de l’Opéra de Paris, dessinateur de presse, illustrateur. Mais il aura été également spécialiste du camouflage pendant la première guerre mondiale, période où paraissait déjà La Semaine de Suzette dominée par le personnage de Bécassine. Dominique Petitfaux traite également de la postérité de cette bretonne en costume local et des supports qui continuèrent à la populariser après la mort du créateur. La revue propose également dans sa rubrique « La Malle au docs » la reprise d’un article de Francis Lacassin publié en janvier 1969 dans Le Magazine littéraire et dont une version remaniée, celle qui est reproduite, figurait en 1971 dans l’ouvrage Pour un 9ème art, la bande dessinée  (collection 10/18). L’article s’intitule « Bécassine ou le temps retrouvé ». Francis Lacassin y développe la thèse selon laquelle non seulement le personnage n’est pas ridicule, mais développe en toutes circonstance une sorte de bon sens.

 

Dans ce numéro double, la rubrique « Varia » est particulièrement développée. Anne Servy tente de sortir de l’oubli Maryan, alias Marie Cadiou (1871-1927), une auteure qui a produit près d’une centaine d’ouvrages en direction d’un public féminin qui était en plein développement. Si la bibliographie proposée est incomplète, explique Anne Servy, c’est qu’aussi bien du côté des bibliothèques que des bouquinistes, l’œuvre de Maryan est négligée. Rocambole se trouve bien ici au cœur de sa mission, à savoir combler les manques issus du mépris pour la littérature populaire. Angéla Magdalena Romera Pintor s’attaque à l’image de l’enfance dans les ouvrages d’un auteur qui, lui, est célèbre, Jean-Marie Petitjean de la Rosière (1875-1947), connu sous le nom de Delly. Il travailla avec son frère Frédéric et sa sœur Marie-Jeanne à la rédaction de nombreux romans dits « à l’eau de rose ». En conclusion de son étude, l’auteure affirme que les enfants sont traités à peu près comme les adultes dans ces textes, avec un rôle de défense du Bien, au sens catholique du terme. Jacques Baudou propose ensuite la reprise d’un article de Jeanine Delpech paru en 1949 dans Les Nouvelles littéraires sur « Le cas Delly ». Elle rappelle que ses ouvrages étaient tirés à des centaines de milliers d’exemplaires.

 

Bertrand Lefrère s’intéresse ensuite à un tout autre sujet, en scrutant la manière dont les couvertures des magazines populaires sont construites et illustrées, faisant le parallèle avec les affiches de cinéma et les influences réciproques entre les deux médias. Dans les « Livres du second rayon », Jérôme Serme désenfouit l’œuvre d’Albert Bonneau lequel, dans ses romans, a choisi Harlem comme cadre de ses romans à la fin des années 1930. Jean-Luc Buard inaugure pour sa part une nouvelle rubrique « Variétés numériques et populaires ». Il s’agit de profiter de la mise en lignes de documents pour en tirer des enseignements, en l’occurrence les rapports entretenus entre Maurice Leblanc (1864-1941), créateur d’Arsène Lupin et Gustave Aimard (1818-1883),  dont le véritable nom était Olivier Gloux, français, auteur de romans d’aventures publiés pour la plupart en feuilleton, notamment dans Le Moniteur, La Presse ou La Liberté.

 

Christophe Marécaille continue en nous replongeant dans les romans spirites, concept apparu en 1839, sous le titre « Paranormal et la littérature ». Puis on en vient à des notices qui apportent de nouveaux éléments à l’encyclopédie Rétrofictions publiée par Guy Costes et Joseph Altairac aux Belles lettres qui propose plus de 5.000 entrées et un millier d’illustrations. Il reste à espérer qu’un éditeur se dévoue pour proposer une version augmentée de ce monument de la littérature populaire.

 

À la fin de ce numéro, on trouvera plusieurs comptes rendus de livres et revues, le coin des pseudonymes, le courrier des lecteurs et trois contes : Ferdinand le gourmand de Pinchon (1929) ; Le Crime de l’Orient express de Marc Direaux (1912) et Le Banquier de cire de Paul Féval (1844).

On aura compris qu’il y a beaucoup à découvrir dans cette nouvelle livraison de Rocambole, des extraits significatifs permettant de se (re)plonger dans un monde qui ne concerne pas que l’enfance, mais aussi le peuple. Cela n’a rien à voir avec le populisme, ni l’infantilisme, mais constitue une sorte mise à jour du réel, tel qu’il est en grande partie, volontairement ou non, occulté.

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