Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
Sous le masque du ou de la Covid, les inégalités sociales se creusent, la privatisation des forces de sécurité s’accentue et celles qui restent publiques sont de plus en plus violentes, les caméras de surveillance se multiplient (sauf, fort heureusement dans quelques villes qui résistent), en attendant qu’il en soit posé devant l’entrée des temples maçonniques, etc.
En un mot, les dégâts d’un néolibéralisme de plus en plus autoritaire (il est déjà dictatorial dans certains pays pas si lointains) se multiplient et notre chère devise « liberté, égalité, fraternité » s’effrite jour après jour dans les écoles, les universités, les hôpitaux, les services publics, malgré le courage, voire l’héroïsme que chacun reconnaît à celles et ceux qui tiennent les édifices branlants.
Que des obédiences à la fois spiritualistes, monogenrées et de recrutement socialement élitiste ne bougent pas leur petit doigt ganté, nous dirons que c’est à la fois dans leur histoire et dans leur culture. Elles ne s’inquiètent en fait que lorsque l’on vient menacer leur existence. En attendant, certaines et certains passent autant de temps dans une « fraternelle » professionnelle qu’en loge, au risque de ces délits d’initiés dont raffolent les journalistes.
Mais pour ce qui concerne les autres groupes maçonniques, dits libéraux, inscrits pour certains dans l’histoire de la République, ou ayant rejoint la famille, les entend-on protester au sein de la nébuleuse laïque combattante où certaines vénérables associations s’évertuent à tenter de protéger nos libertés, comme la Ligue des Droits de l’homme ou la Libre pensée ? Que nenni !
Sur la loi sécurité globale qui aurait mis, sans le virus, des millions de personnes dans la rue, on aurait pu même espérer une position commune des défenseurs de cette liberté chérie. Les risettes du pouvoir, les entretiens dans les salons dorés de la République auraient-ils fait leur effet ? On n’ose l’imaginer…
Plutôt que de confier leur publicité, pardon, leur communication, à des officines privées comme le font certaines obédiences, les maçonnes et maçons élu-e-s à des postes à responsabilité feraient bien de prendre des risques qui, au passage, assureraient probablement dans leurs loges le recrutement de personnes qui considèrent, non sans raison, que la maçonnerie française se porte bien, quantitativement parlant, mais ronronne.
Dans le confort de leur atelier, certain-e-s cherchent à rayonner, à établir une sorte de mini-lobbying à destination de leurs proches, à s’enrichir mutuellement de connaissances, à partager des lectures, à développer le sens critique. Mais ce n’est pas à eux d’intervenir dans l’espace public.
Les futurs historiens de la franc-maçonnerie auront à analyser ce phénomène qui peut sans doute dès aujourd’hui trouver un début d’explication dans une recherche de confort intellectuel, sur fond d’individualisme et de spiritualisme post-religieux galopants, mais aussi de pression sociale écrasante. Le sens critique est émoussé, en dehors de certains milieux universitaires et éditoriaux, sans oublier certaines loges, fort heureusement. Relier la maçonnerie à la fois aux lieux de pensée et aux terrains d’action, aussi difficile que cela soit, voilà l’enjeu pour sortir d’un silence pesant autant que cotonneux.