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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Osez le féminisme en revue avec « Sorociné » et « La Déferlante » !

Julien Vercel

Deux riches et magnifiques revues sont venues instruire et égayer nos différentes saisons de confinement.

C’est au printemps dernier qu’est née Sorociné, la revue cinéma féministe, suite à une campagne de financement participatif. Ce premier numéro est consacré aux « Premières » dans tous les sens du terme. Depuis les pionnières, comme Alice Guy (« Le cas de la Fée aux choux » de Céline Zufferey et « Alice Guy, pionnière à la conquête des États-Unis » de Laura Enjolvy), longtemps oubliées au profit de leurs rivaux masculins, jusqu’aux premières fois au cinéma (« De la honte, du sang et des larmes » où Pauline Ferrari montre que si la perte de la virginité masculine relève le plus souvent de la comédie, celle féminine relève d’autres « tonalités ») et aux premières de cordée (« Les caissières sur grand écran » de Cécile Maugère et Sounia Rouabhia).

D’intéressants portraits, entretiens et rencontres avec les femmes qui font le cinéma permettent de mesurer combien le septième art n’a jamais été et n’est pas qu’un truc de mecs. Côté pratique, signalons « Démontrer par l’absurde » d’Amandine Dall’Omo (par ailleurs rédactrice en cheffe adjointe) qui explique le test de Bechdel... et ses possibles limites.

Les illustrations de Marita Amour donnent une unité aux 172 pages de Sorociné. La dessinatrice représente ses modèles avec un visage sans traits... peut-être à l’image de ce sommaire (p3) qui ne mentionne pas le nom des autrices, mais uniquement les rubriques et les titres de leurs articles. Ma seule réserve relève d’une frustration : certains articles mériteraient d’être plus longs et détaillés (beaucoup ne font que 2 ou 3 pages alors qu’ils abordent une large question). Mais l’initiative est à suivre.

Autre initiative qui en est déjà à deux numéros (n°1 en mars et n°2 en juin) : La Déferlante. La revue des révolutions féministes, s’affiche comme « la première revue trimestrielle post-#metoo consacrée aux féminismes et au genre ». Comme pour Sorociné, l’identité visuelle est particulièrement travaillée mais ici avec des jeux de collages entre le noir et blanc et les couleurs.

Les entretiens croisés (« Céline Sciamma & Annie Ernaux, soeurs de combat » par Lucie Geffroy et Emmanuelle Josse et « Agnès Jaoui & Clémentine Autain, un air de famille » par Marie Barbier et Lucie Geffroy) prennent l’espace nécessaire pour laisser se développer la pensée et les nuances. Les sujets abordés dans La Déferlante sont bien ceux qui agitent certains débats publics : « Que faire des violeurs » (n°1) où Véronique Le Goaziou, sociologue et ethnologue, explique que « le viol est d’abord un crime de proximité. il existe des viols par inconnus, mais c’est une minorité » ; la misandrie (n°1) ; le rapport du mouvement féministe français avec les lesbiennes à propos d’un article sur Monique Wittig (n°2)...

Les questions qui ont interrogé les rapports de genre sont également largement abordées : la manifestation contre l’élection de Miss America en 1968 (n°2) ; la censure de Baise-moi en 2000 (n°2) ou l’affaire DSK en 2011 (n°1). Signalons aussi « Histoire d’un slogan. On ne naît pas femme, on le devient » (n°1) où Manon Garcia revient sur les propos de Simone de Beauvoir et en donne les lectures qui ont pu en être faites.

Il y a pleins d’autres pépites dans ces deux numéros contenant, chacun, un dossier copieux à découvrir (« Naître aux origines du genre » dans le n°1 et « Manger, le genre passe à table » dans le n°2).

À noter : une chronique est réservée à un homme, Martin Page, écrivain. Dans « Pourquoi je ne suis pas féministe » (n°1), il explique qu’« affirmer qu’en tant qu’hommes nous pouvons être féministes ajoute à la domination masculine une domination perverse, c’est un moyen de valoriser notre ego et de nous déculpabiliser », il propose donc d’avoir « un rôle de complices davantage que d’alliés ». Et dans « Pourquoi je n’aime pas les femmes » (n°2), il constate que « les hommes aiment les femmes depuis des millénaires et cela n’a pas vraiment servi la lutte contre la domination masculine »... avant de conclure : « J’aime des femmes ».

Sorociné et La Déferlante confirment tout l’intérêt qu’il y a à prendre le temps et l’espace pour réfléchir, transmettre et débattre. Une conviction partagée avec notre - plus austère certes - Critica Masonica.

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