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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

La Décroissance d’extrême droite

Stéphane François

L’extrême droite s’intéresse depuis les années 1990 à la notion de décroissance. Cependant, on trouve des traces de cette idéologie dès l’après-guerre dans les milieux extrémistes de droite allemands (völkisch, nazis, nationaux-bolchéviques, etc). En France, on la trouve à partir des années 1970 chez un ancien SS comme Robert Dun (pseudonyme de Maurice Martin). Cependant, pour trouver la forme conceptualisée, il faut attendre le début des années 1980 avec les théoriciens du Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne (GRECE), surtout Alain de Benoist. Après cela, elle se diffusera dans les autres tendances de l’extrême droite, en particulier dans les milieux nationalistes-révolutionnaires comme Nouvelle résistance qui a tenté de faire de l’entrisme dans les formations écologistes dans les années 1990. Cette évolution de la Nouvelle droite a permis le début d’un dialogue à la fin des années 1980 avec l’équipe du Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales (MAUSS) qui a tourné court lorsque les néo-droitiers ont voulu se réclamer de celui-ci.

Cette discussion s’explique en grande partie à la fois par le renouvellement des références doctrinales, en particulier avec des auteurs antimodernes (René Guénon, Julius Evola, Martin Heidegger, les autres théoriciens de la Révolution conservatrice (RC) allemande, etc. et par l’intérêt pour les évolutions idéologiques de l’extrême droite allemande, de plus en plus intéressée par l’écologie, et par la réutilisation des auteurs de la RC allemande. En outre, à compter de la fin des années 1980, voire du début de la décennie suivante, la Nouvelle droite, en particulier Alain de Benoist, a intégré dans son discours des auteurs, des théories, relevant de cette idéologie.

Si pour un grand nombre d’observateurs cette idée semble relever d’une idéologie de « gauche », il faut faire attention entre une idée DE gauche et une idée À gauche à un moment donné… Les valeurs, l’imaginaire de la décroissance relèvent d’un imaginaire de droite ou plutôt ouvertement conservateur. Pensons aux vertus de la vie naturelle face aux vices de la vie urbaine, à l’idée de nature conçue comme un tout harmonieux, au refus du progrès, au refus de la société industrielle, à l’éloge de l’enracinement et des petites communautés… En outre, l’idée d’une terre-nourricière et l’éloge des civilisations traditionnelles, sans compter l’idéalisation d’un « monde perdu », relèvent explicitement du romantisme politique, et donc d’un imaginaire de droite. La décroissance est à gauche aujourd’hui, mais elle n’est pas de gauche. Dire cela risque de froisser certains militants de gauche sincères, mais il faut être honnête.

Plusieurs mouvements d’extrême droite, en particulier identitaires, se réclament de la décroissance : la Nouvelle droite et Alain de Benoist (auteur d’ailleurs d’un ouvrage intitulé Demain la décroissance) ; les différentes tendances identitaires qui font l’éloge du localisme et d’une écologie enracinée (Les Identitaires anciennement le Bloc identitaire, Terre & Peuple, etc), une revue comme Réfléchir & Agir, des groupes nationalistes-révolutionnaires comme l’équipe de la revue Rébellion... On a aussi des personnes ou des éditeurs comme Le Retour aux sources, de tendance survivaliste, qui sont persuadés que notre civilisation capitaliste s’effondrera bientôt. Ces différents groupes font tous l’éloge du localisme, de l’enracinement et d’une forme de frugalité. Dans les années 1990, il y avait aussi Le Recours aux forêts, une revue animée par Laurent Ozon, qui voyait la participation régulière de militants écologistes, et qui doit être vue comme la revue écologiste de la Nouvelle droite.

Outre les revues précitées, ces idées décroissantes d’extrême droite ont d’autres relais médiatiques. On a évidemment Éléments, le magazine de la Nouvelle droite, ainsi que Krisis, la revue d’Alain de Benoist, plus universitaire et plus ouverte sur les milieux de gauche. Leur influence reste limitée aux milieux d’extrême droite (le magazine Réfléchir & Agir est édité à 5000 exemplaires par exemple, Rébellion a disparu en format papier), à l’exception des revues de la Nouvelle droite au lectorat beaucoup large. Ces dernières touchent aussi des personnes qui se réclament d’une gauche radicale antimoderne. Certains théoriciens de la décroissance y participent : Serge Latouche a donné plusieurs entretiens ou articles à Éléments et à Krisis. Le principal porte-voix de cette forme de décroissance est assurément Alain de Benoist, rejoint aujourd’hui par Hervé Juvin, à l’origine du « verdissement » du Rassemblement national.

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